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Approche du polar régional et du polar corse.
C’est Manuel Vasquez Montalban (mort à Bangkok en 2003) qui, avec sa ville Barcelone, en a ouvert la voie dans les années 1970. Il est l’inventeur de Pépé Carvalho, personnage représentatif de la capitale catalane espagnole. Il a déclenché l’apparition d’une vague d’auteurs revendiquant leur identité, leur culture, leur ville, leur pays d’origine… En premier lieu en France et en Italie.
En Italie, Andrea Camilleri ( 82 ans ) va même appeler son héros récurrent " Montalbano " en hommage à l’auteur catalan et en France, Jean-Claude Izzo ( décédé le 26 janvier 2000 à Marseille) va s’inspirer de Pépé Carvalho pour inventer Fabio Montale (Montale comme Montalban). Depuis lors d’autres auteurs ont émergé en Europe comme Petros Markaris en Grèce mais aussi, autour de la Méditerranée jusqu’au Maghreb comme l’Algérien Yasmina Khadra en Algérie, le Marocain Driss Chraïbi ( décédé en avril 2007 en France, à Crest dans la Drôme).
Andréa Camilleri est l'auteur le plus lu en Italie. Son héros le commissaire Montalbano est un sicilien acharné à faire toute la lumière au bout de ses enquêtes. Son auteur n’a jamais caché que, depuis son enfance, il vouait un culte particulier au Commissaire Jules Maigret. Il a lu Simenon alors qu’il signait encore sous le nom de Georges Sim et qu’il était publié par un bimensuel italien, découvrant une série complète des Maigret éditée par Mondadori, éditeur italien, le flic de Simenon est devenu un modèle pour lui. Montalbano est devenu le modèle pour des auteurs insulaires comme Camilleri.
Le polar s’est alors glissé dans les littératures régionales que Mlle Elodie Charbonnier, docteur es Lettres modernes, a défini dans un mémoire de thèse dont nous avons relevé des extraits:
Si la littérature se décline en plusieurs genres reconnus, la "littérature régionale " n’en fait pas partie. Pourtant, il s’agit bien d’une forme littéraire particulière se distinguant du roman ou de la nouvelle généraliste. Présente au cœur de nos terres, cette littérature porte en elle une culture et retranscrit l’âme de sa région. Certes, notre étude ne portera pas sur les langues régionales mais il est indéniable que cette littérature contient des particularismes linguistiques propres au régionalisme. Ainsi, les nombreuses expressions linguistiques régionales ne sont guère employées dans la littérature dite "généraliste ". De fait, il ne faut pas ignorer les spécificités propres à chacune de ces régions pour les englober dans une unicité nationale.
La littérature corse résulte des pratiques ancestrales d’une littérature orale. Ayant subi des transformations constantes par l’alphabétisation et l’apparition de supports écrits ou audiovisuels, elle conserve encore aujourd’hui les traces de son histoire. Ainsi, certaines pratiques des littératures orales se sont donc transformées en littératures écrites ou même chantées. Evidemment, toutes les régions françaises ne revendiquent pas autant les questions identitaires que la Corse, l’Alsace ou bien la Bretagne. Néanmoins, toutes les régions possèdent une identité, une histoire et des particularismes propres parfaitement représentés par la littérature régionale.
Garante de la conservation et de la protection d’un patrimoine culturel, la "littérature régionale " devrait être au cœur de certaines préoccupations. En effet, à l’heure de la mondialisation, nombreuses sont les entreprises réalisées pour préserver les régions d’une unicité nationale ôtant toutes les spécificités locales. Ainsi, la démarche de reconnaissance d’une littérature régionale en tant que telle s’inscrit dans le contexte actuel de conservation de l’identité des minorités culturelles.
Souvent jugée péjorativement et réduite au simple folklore local, la "littérature régionale " est pourtant un genre abondant qui concerne de nombreux acteurs du livre. Il répond ainsi à une demande d’un public soucieux de se rapprocher de sa région, de sa culture.
" C’est au moment fort d’une prise de conscience que la littérature régionale émerge de par la volonté d’un groupe qui la voit comme un bien collectif important à revendiquer et à développer ". La littérature régionale, liée au développement et à la survie du groupe qu’elle représente, "vivra plus ou moins dans la mesure où elle accompagnera ce groupe dans son cheminement historique".
" Je considère comme littérature régionale tout ouvrage littéraire de langue française affichant un rapport à sa région et édité dans celle-ci. Le choix des auteurs régionaux est le premier critère de sélection des ouvrages. Selon moi, l’auteur ne doit pas nécessairement être issu de la région dont il s’inspire, ni forcément y écrire, pour l’utiliser à des fins littéraires. Dans l’objet de ma problématique, il semble moins intéressant de considérer comme écrivain régional l’auteur qui possède ses racines en région, qui y écrit et y est édité mais qui n’y s’y réfère jamais. Différentes thématiques permettent de situer les ouvrages littéraires régionaux. Utiliser la région comme lieu d’action romanesque est une première possibilité ; ainsi, elle apparaît comme un repère géographique et culturel pour l’auteur mais aussi pour le lecteur. L’intervention d’un folklore régional incluant contes et légendes populaires est un autre moyen de "régionaliser " son ouvrage tout comme l’utilisation de la mémoire collective ; par cette dernière, j’entends parler des ouvrages littéraires liés à une histoire locale touchant des événements comme la Résistance en Alsace au cours de la seconde Guerre Mondiale ou le Débarquement en Normandie ", conclue Mlle Elodie Charbonnier.
Le polar corse :
Mantalban, Camilleri et Izzo ont ouvert la voie du succès au polar régional. Le Sicilien Andréa Camilleri a forcément une influence particulière sur des auteurs corses de polars, par l’insularité partagée sur des îles aux histoires parallèles.
Le roman est un genre qui a eu du mal à s’enraciner en Corse ou la culture est de tradition orale, donc plus tournée vers la poésie et le théâtre. La littérature orale corse n'a jamais été fermée sur elle-même et visait à intéresser toutes les classes de la société. Les œuvres circulaient sur l’île, véhiculées par les bergers transhumants, les marchands ambulants, les colporteurs et de simples voyageurs. Elles s'exportaient parfois au-dehors, notamment vers les îles voisines comme la Sardaigne qui est la plus proche.
La diffusion de la littérature orale n'a pas de frontières matérielles et morales. Les créations littéraires insulaires ont subi des influences extérieures et, en particulier, venues d’Italie géographiquement proche. La littérature orale insulaire s’est donc formée à partir des mélanges de plusieurs littératures populaires et étrangères.
L'influence des diverses idéologies et des divers phénomènes culturels du bassin méditerranéen est indéniablement ressentie au travers de la littérature populaire corse. Le polar est une littérature populaire qui fait la suture entre le parlé et l’écrit. Imagine ! me disait Joël Jegouzo (du site Noir comme polar). Savoir, comme dans un chjam’é rispondi, syncoper son présent, le plier aux contraintes de l’histoire tout en exposant cette dernière à la (petite) frappe de l’actualité. Faire entrer dans l’insolite d’une voix individuelle une réponse sociétale. Pas étonnant, en outre, que le polar y tienne une place de choix, pour toutes les raisons déjà données à son sujet dans ce numéro et pour cette autre qu’il porte, mieux qu’aucun autre genre, lui-même trace de la structure Chjam’è rispondi : et la contrainte des règles du genre et la liberté sans laquelle le chant ne serait qu’une rengaine exténuée.
Le polar corse existe… Les thèmes imaginaires ou réels inspirent les auteurs corses dans une île noire et rouge sur fond de bleu marin et azuréen. On peut en dresser un inventaire en vrac et non exhaustif : la politique, les autonomistes, les barbouzes, les révoltes, la musique et les chants, l’écologie, la désertification, la pauvreté, le chômage, le huis clos, les mythes, les légendes, le banditisme… mais aussi les particularités : l’omerta, l’honneur, le clanisme, la cursita (ce mal du pays qui rend l’exil, douloureux, cette nostalgie hors de l’île bien particulière apparentée à la " saudade " brésilienne et portugaise. En Corse, le tragique côtoie l’humour… L’humour y plusieurs formes ; le taroccu fait de malice et de mélancolie… la macagna plus caustique et l’autodérision. Il y a surtout la volonté d’être corse : un corps, plutôt qu’un corpus à ressasser. Et donc la nécessité de rompre avec une représentation véhiculée par le vieux continent d’une terre mystifiée — et par mystification, entendons toutes les dérives intra et extra muros que la Corse a connues ou subies.
Dans une anthologie présentée par Roger Martin, on peut lire au sujet du genre policier comme étant universel : " Cette universalité –société, police, crime, nature humaine – permet d’avancer que le genre policier, qu’il soit français, anglais, espagnol, russe ou japonais, s’abreuve à des sources communes, auxquelles bien entendu, il convient d’ajouter celles propre au génie et à l’histoire de chaque peuple "
En France, alors que le polar devenait un genre littéraire répandu chez les lecteurs, les auteurs et les éditeurs, il restait cantonné dans la capitale ou bien à l’étranger car les éditeurs choisissaient de traduire les grands auteurs anglo-saxons. Dans ce contexte jacobin, un Corse, José Giovanni va devenir un auteur et un cinéaste célèbre. Ancien taulard, il va exceller dans le genre après un premier succès littéraire « Le trou » adapté par la suite au cinéma. Il deviendra un cinéaste et un romancier célèbre. Giovanni a écrit sans référence avec ses origines insulaires. Pourtant la Corse est une terre de romans noirs et de polars. En 2006, un hebdomadaire publiait un article "Terreur sur Ajaccio " sous-titre " Le gang qui fait trembler la Corse ". La première phrase est " Ils sont tous des enfants du cru et forment le noyau dur de la bande du Petit bar. Des tueurs sanguinaires… " N’y a-t-il pas là le titre et le début d’un polar bien noir avec des héros hard boiled ? On y trouve même des idées de dialogue : " Hep, salut ! Je t’aurais bien offert un café… - Vaut mieux pas s’attarder aux terrasses de bistrot en ce moment, c’est trop risqué !... " La suite de l’article qui relate la réalité d’une série d’assassinats qui serait la suite d’une lutte sanglante entre bandes rivales venant déranger les vieux truands jusque dans leur " semi -retraite " ( Le point , du 19 octobre 2006 ).
Des auteurs de nouvelles, précurseurs du polar et du roman noir, s’étaient inspirés de la " légende noire de la criminalité insulaire ". Librio a publié un recueil où l’on retrouve Mérimée, Balzac, Flaubert, Saint Hilaire, Gaston Leroux et deux Corses : Pierre Bonardi et Jacques Mondoloni, connu dans la Science-fiction. Depuis quelques années, on a vu émerger le polar régional. Alors que Marseille et la Corse ont alimenté l’imaginaire de bon nombre d’auteurs et de cinéastes, il faudra donc attendre 1995 et Jean-Claude Izzo pour consacrer le polar marseillais en le faisant connaître à Paris.
A la même époque, en Corse, un Editeur ajaccien avait créé une "collection Misteri " qui a fait découvrir, entre autres, Philippe Carrese et François Thomazeau. Tous les deux font partie aujourd’hui des auteurs de polars connus. " Les trois jours d’engatse " de Philippe Carrese a été d’abord édité dans la collection " Mistéri " en 1994 (un an avant Total Kéops qui a fait émerger le polar marseillais ), puis réédité au " Fleuve noir " en 1995. François Thomazeau est l’auteur de plusieurs polars édités dans la collection Misteri et a créé, avec deux autres auteurs, " L’écailler du Sud ", éditeur marseillais qui obtient un réel succès. Les premiers polars de Thomazeau dans la collection Misteri ont été réédités par Librio. L’éditeur ajaccien Méditorial a fait connaître aussi des auteurs corses comme Ange Morelli, Elisabeth Milleliri et Marie-Hélène Cotoni.
Le pionnier de la Noire made in Corsica est donc Paul-André Bungelmi avec sa maison d’édition Méditorial et la Collection Misteri. Il a découvert et édité d’excellents polars commis par des auteur(e)s ayant pour la plupart fait leur chemin. A l’époque, j’ai lu des ouvrages « Misteri »:
- Comme un chien dans la vigne et caveau de famille, écrits par Elisabeth Milleliri
- La moisson ardente et raison d’état, écrits par Archange Morelli
- Trois jours d’engatze, écrit par Philippe Carrese
- La faute à Déguin et Qui a tué monsieur cul, écrits par Philippe Thomazeau.
« A l’époque (1992), dit Philippe Carrese, j’ai envoyé le manuscrit à plus de trente maisons d’édition, y compris "Fleuve Noir". Tous l’ont refusé. J’ai croisé Paul André Bungelmi, en corse, un type adorable qui me l’a pris mais qui a été dépassé par le succès du livre. Fleuve Noir a repris la suite en moins de quinze jours. Paul André est un vrai méditerranéen, il a tout de suite tout compris, tout mon coté "sudiste" que pas mal de parisiens ont encore beaucoup de mal à cerner ».
Et François Thomazeau ajoute : « Je ne connaissais Carrese que de nom et j'ai atterri chez Méditorial parce que ma mère avait vu un reportage sur "Trois jours d'engatse" sur France 3 Marseille. C'est elle qui m'a forcé à envoyer le manuscrit de Dégun à Méditorial. Comme Carrese, je ne rendrai jamais assez hommage au patron de cette maison, Paul-André Bungelmi, un honnête homme comme on n'en fait plus. Il a arrêté l'édition faute d'argent et tient un bar de nuit extrêmement sympa à Ajaccio. On amène sa bouffe, y a une cheminée au fond pour faire cuire le rata, et lui fait payer le vin."
Après la cessation d’activité de Méditorial, si quelques auteurs de polars corses ont été édités, il n’existait plus de série noire insulaire. A partir de 2003, des auteurs corses se réapproprient la Corse noire et des éditions corses les éditent. D’abord Les Editions La marge avec La chèvre de Coti Chiavari de Jean-Pierre Orsi. Pur Porc de Jean-Paul Brighelli est édité hors de Corse chez Ramsay. En 2004, les Editions Albiana lancent la collection Néra
Aujourd’hui, sur l'île, des auteurs se sont regroupés dans une association Corsicapolar qui organise le festival du polar corse et méditerranéen chaque année depuis 2007 à Ajaccio. C'est dans la continuité et l'esprit de ce festival que les Editions Ancre latine sont nées.
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A propos de la lecture d’un texte par un acteur, à l’occasion du Centenaire René Char et du texte inaugural de Daniel Mesguich en lien avec l'Ecole des lettres , Hélèné Boutin avait eu un entretien avec l’acteur sur le site Educnet – section théâtre… L’article est du 19 juin 2006 mais nous vous y revenons pour sa valeur pédagogique.
Extraits de l’entretien :
"Pour tout texte, quel qu’il soit, au fond de l’encrier, ou de l’ordinateur, il y avait d’abord une voix. Une lecture rend la voix à la voix : ce qui est venu d’une voix retourne donc à la voix. La voix d’un autre. Aucun livre, aucun imprimeur au monde ne rendra cette voix si quelqu’un d’autre ne s’en mêle pas. Voilà ce qui justifie une lecture, ce qui en constitue le statut et l’autorisation.
Le lecteur silencieux est seul. Bien sûr, il dialogue avec son livre, il entre dans le texte, mais ceci est insuffisant. Une lecture, grâce à la voix et, peut-être aussi, à l’apparence du lecteur/acteur, se saisit du texte, sans mise en scène, sans maquillage, sans mouvement, sans costume, sans effet de lumière particulier - une lecture suppose simplement une table, une chaise, peut-être un micro et un livre avec un lecteur qui lit - et, avec ce minimum-là qui n’est pas du théâtre, montre au lecteur un autre lecteur, autrement dit lui-même. Tout à coup le lecteur devient la mesure de toute chose. Ce qui se donne à lire n’est pas le livre mais le livre lu. C’est un pont, le livre fait la moitié du chemin, est apprivoisé. Le lecteur/acteur dans le texte, faisant corps au texte, change le goût du livre et efface une grande partie de l’intimidation de la lettre, littéralement. Se voir soi-même lire le livre ne remplace pas la lecture silencieuse et intime, mais constitue un acte très fort, d’une égale légitimité. J’imagine une société où les citoyens se liraient sans cesse des livres et où cet acte serait naturel et normal.
Ne pas confondre lecture et théâtre.
Aujourd’hui nous assistons à une floraison de lectures, " ça lit " de tous les côtés. Pour des raisons économiques, les lectures remplacent le théâtre : cela coûte bien moins cher d’avoir un seul acteur qui lit un livre que dix acteurs qui l’ont appris par cœur et répété deux mois, qui ont besoin de lumière, de costumes. L’inflation des lectures à laquelle nous assistons menace le théâtre... si toutefois la place respective de chacun n’est pas repensée.
Je lis moi-même beaucoup en public, par plaisir, et parce que j’aimerais être de ceux qui, un peu comme les gens de théâtre d’avant-guerre (Cocteau, Guitry...), avaient un pied dans la littérature et un autre dans le théâtre, le cinéma ou la danse. Je trouve tout à fait normal pour moi de fréquenter autant d’écrivains que d’acteurs. Après la guerre, les arts se sont spécialisés. Peu à peu la mouvance du théâtre populaire a fermé la porte aux poètes, aux peintres. De son côté le cinéma a subi positivement, mais aussi négativement, la Nouvelle Vague : théâtre, peinture, textes, ont tendu à disparaître au cinéma.Lecture régressive ?
Nous sommes en train de réinventer l'hypocrites du pré- théâtre grec. Le théâtre a commencé avec Eschyle décidant de placer non plus une seule personne devant le chœur, mais deux acteurs entrant en dialogue. Cet écart entre les hypocrites a fait naître la scène. Trop souvent, les lectures pratiquées aujourd'hui restent en amont du théâtre ; elles sont le signe d'une réelle régression car elles suscitent souvent une ferveur presque religieuse : l'acteur/lecteur est pris pour un pasteur, un passeur lisant La Parole. L'auteur importe peu. Ecriture et parole sont confondues : le prêtre ne parle pas, il est parlé par l'écriture. Tout à coup, la parole semble devenir pleine. Alors que la poésie doit, au contraire, nous faire suspecter la langue, nous faire entendre d'autres mondes. Sa lecture devrait provoquer un « dé-collage » de la parole et de l'écriture, un « dé-tatouage ».
Poésie et lecture
La poésie contemporaine appelle la lecture : les poèmes sont des voix glacées dans l'encre qui doivent être libérées du livre-objet par de la voix. La poésie est un appel, tout simplement. Même la poésie très écrite de Mallarmé se lit et se dit : il y a une voix derrière elle. Dans les textes d 'Hélène Cixous, l'indécidable (entre le féminin et le masculin par exemple) prend une large place et leur lecture suscite d'autres formes d'indécidable, de pluriels… pourtant rien ne peut échapper à la voix. Les phrases ou les vers les plus abstraits sont encore de la voix parce que la poésie suppose rythme, longues et brèves, jeu des assonances et des allitérations, ce qu'un lecteur « à l'œil », tenant le livre à la main ne lit pas, n'entend pas.
Pour accéder au dossier complet sur cet événement à portée nationale, voir notre partie "pilotage national" au lien ci-dessous…
http://www2.educnet.education.fr/sections/theatre/pilotage/evenements-nati/centenaire-rene
… et, pour illustrer nous vous proposons « Le bateau ivre » de Rimbaud dit par Gérard Philippe ( source : Youtube ).
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Des conteurs sur le cours Julien à Marseille les 27 et 28 juin 2009
C’est aussi de la littérature…
Les gens qui prennent le temps d’un apéritif ou d’un café dans un bar de quartier sont les auditeurs d’un littérature de l’instant. C’est une littérature orale qui met en œuvre des mots de conteurs avec les couleurs d’un accent et des talents de comédien. On se surprend même à se dire : " Tiens une métaphore ! " " Tiens un euphémisme ! " " Tiens une ellipse ! " Et oui, des procédés de rhétorique dans un lieu populaire !
Vous prendriez bien un petit apéro ?
A Marseille, dans un bar de quartier où je traînais dans ma jeunesse, j’ai entendu une histoire racontée par un docker. Il a commencé par commander une Mauresque (mélange de pastis et d’orgeat dans un petit verre laissant peu de place à l’eau). Et puis il a dit : " Vous savez ce qui est arrivé hier sur les quais?" Le chœur des piliers du bistrot a alors répondu à l’unisson " Non ! "...
Lui : Je vais vous le raconter. Je me suis levé vers 6 Heures et ma mère m’a préparé le petit déjeuner . J’ai pris ma douche et , bien sûr, elle a fouillé mon " larfeuille "pour ramasser mes noisettes et les porter à l’Ecureuil ( Traduire : Elle a pris mon argent dans mon portefeuille pour le placer à la Caisse d’Epargne). J’ai déjeuné et je suis allé sur les quais. J’ai pointé à l’entrée comme d’habitude . J’ai rencontré le grand Gérard et mon ami Doumé. Nous avons discuté un moment en attendant les consignes.
Le Chœur : Et alors ?
Lui : Le Chef m’a dit que je devais participer au déchargement d’un bateau qui était en train d’accoster…
Le chœur : Et alors ?...
Lui : J’ai pris le temps de boire mon café...
Le Chœur : Et alors ?
Lui : Et puis je me suis rendu au môle 4 . C’était un gros cargo. Le grutier était déjà dans sa cabine et il avait commencé à faire descendre les containers.
Le Chœur : Et alors ?
Lui : Le grand Gérard, il avait commencé à décharger le premier container et un deuxième arrivait.
Le Chœur : El alors ?
Lui : Et bien j’ai dit à mon ami Louis que le container balançait.
Le chœur : Et alors? ...
Lui : Le container, il balançait toujours…
Le chœur : Et alors ?
Lui : Et bien le grand Gérard, il était dessous…
Le chœur : Et alors ?
Lui : Le container balançait toujours et je m’inquiétais d’autant plus que j’avais entendu dire qu’il était arrivé qu’un container tombe…
Le chœur : Et alors?...
Lui : J’ai dit à mon ami Louis que j’étais inquiet. Louis ne s’inquiète jamais dans le boulot. Ses inquiétudes, il les réserve à sa femme avec qui il est toujours aux petits soins. Et même qu’un jour….
A ce moment là, l’un des piliers vacillants de comptoir s’impatienta et dit au narrateur : Tu nous les brises avec Louis. Tu vas la finir ton histoire !...
Le narrateur prit le temps de terminer son verre et annonça en tournant le dos à l’assistance : " Le lendemain, la quête ! " avant de demander un autre pastis.
Vous aimeriez peut-être savoir ce qu’il allait dire sur le prénommé Louis et ses inquiétudes conjugales. C’est une autre histoire.
Vous devez vous dire : " mais pourquoi il raconte cette histoire de comptoir ? "
D’abord, parce que le docker était corse et qu’il la racontait mieux que je ne vous la rapporte. Ensuite parce qu’elle illustre l’existence d’une forme de littérature orale vivante. Ce narrateur interpelle l’auditoire et capte son attention en le questionnant : " Vous savez ce qui est arrivé hier sur les quais ?" Cette question laisse pressentir un drame. Par une entame humoristique sur les larcins de sa mère, il désoriente son public qui attend de savoir ce qui s’est passé de dramatique. Ensuite, il fait durer le suspense, usant même de la digression. Il termine par de l’humour noir en faisant une ellipse laissant à son auditoire imaginer tout ce qui a suivi. Il faut alors deviner la suite : le container est tombé sur le grand Gérard qui est décédé. Le lendemain, ses camarades faisaient donc la quête pour la famille. Le drame n’exclut pas l’humour.
Avec cette chronique de comptoir de bar, j’avais déjà des décors et des ingrédients de polar: l’humour, le suspense, la mort, l’alcool, le bar de quartier, le travail et l’entraide sur les quais.. En allant plus loin, on pouvait imaginer un roman social avec une grève des dockers, un meurtre derrière cet accident de travail et des magouilles sur le Port autonome de Marseille... et un magnifique tableau d’Antoine Serra ou un poème de Louis Brauquier.
A l’époque, de nombreux dockers étaient corses et, parmi eux, ce narrateur qui , sans avoir fait ses humanités, avait le sens du dialogue et du récit. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la trouvaille spontanée de la fin elliptique : " Le lendemain, la quête ! "…
" C'est que le langage est ellipse ", disait Sartre dans Situations II. L’auditeur est la cible autant que le complice. Faire appel à l’imaginaire, n’est-ce pas l’effet recherché par les écrivains ? Nous étions en 1968. J’écoutais un conteur imprégné d’une littérature orale qui ne s’apprend pas à l’école et qui usait d’une figure de style. Dans son récit (pourtant dit en langue française) , j’avais entendu une musique que je connaissais et que je n’ai identifiée que bien plus tard, lorsque j’ai fait le lien avec les traditions orales corses. C’est dans ces formes anciennes mais toujours vivantes que des auteurs corses contemporains vont puiser.
Aujourd’hui 27 juin et demain 28 juin, vous pouvez aller à la rencontre de conteurs sur le cour Julien à Marseille… Il y aura un FESTIVAL DES CONTES VOYAGEURS.
LES CONTES CORSES SERONT PRESENTS : racontés (sous la tente )le SAMEDI dans l'après-midi (où différents conteurs se succèderont )
DIMANCHE: l'album bilingue "la légende du brocciu" sera présenté A noter la présence de l'association "contes en toutes langues " qui œuvre dans divers départements du sud de la FRANCE ) . Vous y rencontrerez Francette Orsoni. Ce sera 'occasion d'une promenade en famille ou en solitaire car " le conte n'a pas d'âge , il est pour tous les âges ": telle est la devise de la BALEINE QUI DIT VAGUES et...... organise
Pour en savoir plus : consulter http://labaleinequi ditvagues. org/spip
Le programme :
Samedi 27 ET dimanche 28 juin - 10h-20h
Sous l’olivier - Impromptus contés
Sur la place - 9e salon du livre de conte grande librairie / éditeurs spécialisés / livres bilingues
Sous la tente - Ateliers (matin)
SAM - La fôret en papier - Le magasin des merveilles « pour créer sa potion imaginaire »
DIM - Jany TROUSSET - livre association "contes en toutes langues"
Sous la tente - Contes (après-midi) R. AKBAL - P. ALLARI - L. DAYCARD - A. DIOP DANY - P. FAULIOT K. GUENNOUN - S. JAMES - J. LA BOUCHE - J.N. MABELLY - F. ORSONI
À La Baleine - Rencontres et signatures (16-17H30)
SAM - Pascal FAULIOT. Conteur, spécialiste des contes d’Asie, de la transmission orale au décryptage symbolique
DIM - Francette ORSONI. Auteure, conteuse qui croise les pratiques artistiques et porte le festival « Conteurs dans la ville » à Ajaccio
Dimanche 28 juin - Clôture - 18h
À La Baleine - Fatigues ! Fatigues ! par Luigi RIGNANESE et le quatuor à contes Un conte merveilleux d’amour compliqué… et trois vieilles qui interviennent pour que ça se termine bien… (Public familial / réservation obligatoire)
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Boris Vian, une légende depuis 50 ans...
Le 23 Juin 1959, au cinéma parisien Le Marboeuf, Boris Vian s’effondrait sur son siège à la première du film « J’irai cracher sur vos tombes », adaptation qu’il jugeait médiocre de son livre et pour laquelle il n’avait pu obtenir que son nom n’apparaisse pas au générique. Victime d’une crise cardiaque, il décède lors de son transport vers l’hôpital. Il n’avait que 39 ans et la jeunesse des sixties s’est emparée de son œuvre. Cinquante ans ont passé qui nous ont fait basculer dans un autre siècle. Philippe Kobly lui a consacré un « portrait-roman », film intitulé "Boris Vian, la vie jazz " et programmé le 18 juin sur Arte en rappelant que : « Boris Vian reste un personnage difficile à cerner, d’abord parce qu’il était multiple et hérissé de défenses – ses poses de dandy, ses gestes provocateurs. Mais surtout parce que depuis sa mort s’est forgée une légende : la mélancolie de L’écume des jours , la fièvre des nuits de Tabou ( célèbre club de St Germain des près ), le scandale de J’irai cracher sur vos tombes …» et, en souvenir du trompettiste de jazz qu’était aussi l’écrivain , il ajoure « Pour lui, le jazz, c’était plus qu’une musique, c’était son oxygène, le sang qui coulait dans ses veines, une manière de vivre, de penser, de sentir. Il l’a accompagné toute sa vie, cristallisant son désir de liberté, influençant jusqu’à son écriture…»
De santé fragile depuis l’enfance, il avait choisi de vivre dans l’urgence. A 12 ans il avait souffert de rhumatisme articulaire aigu qui était à l’origine de sa maladie cardiaque. Boris Vian, l’homme pressé, était dès lors en avance sur tout. Même sur la mort, explique sa seconde femme, Ursula Vian-Kübler.
A sa première épouse Michèle, il avait dédié « L’écume des jours » où apparaît le personnage du philosophe « Jean-Sol Partre ». C'est un ouvrage noir publié en 1947, classé à la 10e place des 100 meilleurs livres du XXe siècle.
Boris Vian , écrivain iconoclaste et traducteur de polars noirs made in US pour la Série noire, a, en précurseur, influencé des auteurs du néo-polar.
Sous le pseudonyme de Vernon Sulllivan, il a écrit deux "polars" à la mode du roman noir américain: « J'irai cracher sur vos tombes » et « Et on tuera tous les affreux »
Hommage de Louis Cabanes relevé sur le site Bakshish : « Boris Vian est au XXème siècle ce que Janus fut à la mythologie romaine. Un dieu des commencements, du passage de tout état à un autre : du roman à la poésie, du théâtre aux nouvelles, de l’essai à la chanson. Toujours au galop. Le siècle au pas de course. Mort à 39 ans, il s’amusait à greffer ses dons sous différents noms, en anagrammes, comme autant de visages pour exprimer son art multiple. Un jour Bison Ravi, l’autre Baron Visi, parfois Brisavion. Avec pour cible, le cloître des conservatismes de l’après-guerre dont il fût l’un des torpilleurs au côté des surréalistes et de son ami « Jean-Sol Partre »
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Entretien avec Georges Bataille à propos de son ouvrage « La littérature et le mal ». Archives INA, 1958.
Marguerite Yourcenar Le paradoxe de l'écrivain - extrait d'une série d'entrevues données en 1981.
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